Deux figures féminines en état d’impureté (l’une à cause de ses pertes de sang, l’autre du fait même de sa mort) dont l’homme Jésus aurait dû se tenir à l’écart (Lv15 ; Nb 19), n’était cette liberté engendrée par l’amour qui bannit la crainte. De fait, nous voyons qu’il se laisse approcher de la première et approche la seconde. Une approche où gestes et paroles se confortent pour faire advenir la guérison et la vie. Geste de la femme qui touche la frange du vêtement de Jésus et geste de Jésus qui saisit la main de la jeune fille. Parole du Christ qui relève cette dernière dont on peut interpréter le mal symboliquement, comme une impossibilité d’accéder à son statut d’adulte ; parole du Christ qui fait sortir la femme de son anonymat en la conduisant à exprimer « toute la vérité » et à découvrir le potentiel de salut dont elle était porteuse : « Ta foi t’a sauvée ». Autant dire que le Christ resitue chacune d’elles en tant que personne unique, avec son histoire : l’histoire de son mal mais aussi de sa puissance de vie, de sa capacité à surmonter les peurs et le malheur. Ainsi reconnues, visitées sont-elles en mesure de reprendre leur place dans la communauté des vivants et des croyants.
Voilà qui peut nous interroger en tant que membres du Corps du Christ et participants de sa vie. De qui approchons-nous et nous laissons-nous approcher ? Qui fuyons-nous et pourquoi ? De quelle nature est notre parole : une parole qui culpabilise et fige par son moralisme, ou une parole qui fait appel au meilleur de ce qu’autrui porte en lui ? Car ne sommes-nous pas appelés à recevoir et à transmettre la vie ? Et cela, dans cette liberté de l’Esprit marquée au sceau de la Croix qui libère des peurs, du formalisme et des égoïsmes pour laisser jaillir l’amour de Dieu.