II était revenu chez lui, dans son village, où il était connu. C’était le charpentier et le fils de Marie. On connaissait ses frères. On connaissait ses sueurs. Voilà qu’il était là, chez lui, dans son église. Un village, une Eglise, avec leurs habitudes, leurs traditions, leurs rites et leur hiérarchie. Qui avaient fait leurs preuves. Chacun avait sa place, avec les hommes à droite et les femmes à gauche, et les chefs au-dessus. Un système qui avait assuré la survie et maintenu le bon ordre. Et surtout qu’on ne vienne pas remettre tout en question en jouant au prophète !
Mais c’est ce qu’il faisait. On avait entendu parler de sa sagesse. De ses miracles, aussi. D’où cela lui venait-il ? II y avait des gens institués pour cela. Les scribes qui savaient lire, pas comme un charpentier. Et puis les pharisiens, qui se conduisaient bien, qui donnaient le bon exemple, pouvaient faire la morale. Et le grand prêtre aussi. Et tous, ils s’inquiétaient de le voir qui passait au-dessus de leurs tètes pour aller vers les petits et même les pécheurs. Et l’on était choqué, ici, dans son pays. On savait bien ici qu’il n’était pas prophète.
Mais lui continuerait, imperturbablement. Rien ne l’arrêterait, et surtout pas ces hommes, dont déjà autrefois Ezéchiel disait qu’ils « ont le visage dur et le coeur obstiné ». II savait que ce monde a besoin de prophètes. Des hommes et des femmes qui, devant les replis et les découragements, oseraient s’engager, en paroles et en actes, à temps, à contretemps. Qui monteraient aux créneaux pour défendre les droits de l’homme, l’accueil de l’étranger, une Europe plus sociale. Des prophètes qui libèrent, oui remettent debout. on en a bien besoin.