Beaucoup de ses disciples, qui l’avaient entendu, étaient tout ébranlés. Tant qu’on parlait de Dieu, d’amour et de prière, de demande de pardon, de promesse du ciel, il n’y avait pas de problème. Mais qu’on vienne maintenant parler de l’homme même, de sa chair, de son sang, du respect de ses droits et de sa liberté, de la place des plus faibles, de l’accueil des lépreux, des rejetés, des pécheurs, de solidarité, de combat pour la paix, pour le droit, la justice, ça devient intolérable. Beaucoup de ses disciples s’en allèrent et cessèrent de marcher avec lui.
Alors on s’est demandé s’il allait essayer de les en empêcher, de les retenir près de lui et ce qu’il allait faire. Ferait-il des miracles, des choses merveilleuses, qui les impressionneraient, pour bien leur montrer que le ciel est avec lui ? Mettrait-il une sourdine à son incarnation ? Prônerait-il un monde où tout le monde serait beau, tout le monde serait gentil ? On se donnerait la main, on chanterait des cantiques en regardant en l’air, en attendant le ciel ? Mais rien de tout cela. II nous a regardés et dit, tout simplement : « Voulez-vous, vous aussi, vous en aller ? »
Et alors on comprend que la foi qu’il propose n’est pas une évasion : loin des yeux, loin du coeur. Une façon de patienter : ça ira mieux plus tard. Un moyen de s’en sortir : pourvu qu’on aille au ciel. Mais c’est un engagement au service de l’homme. De l’homme quel qu’il soit, surtout le plus petit. D’un homme dont on découvre, avec l’esprit de Dieu, cet esprit qui fait vivre, l’importance, la grandeur. Pour lequel on se bat. Homme de chair et de sang. Homme aimé et créé à l’image de Dieu. Et alors, avec Pierre, on répond : « Mais, Seigneur, vers qui donc irions-nous ? »