textes non bibliques pour un mariage


La chaîne et le peigne

Il y avait une fois, en quelque lieu du monde, deux époux dont l’amour n’avait cessé de grandir au creux de leur chaumière, depuis le jour de leur mariage. Ils étaient très pauvres et chacun d’eux savait que l’autre portait en son cœur un désir inassouvi ; lui avait une montre en or pour laquelle il ambitionnait secrètement d’acheter un jour une chaîne du même métal précieux. Elle avait de grands et beaux cheveux, et rêvait d’un peigne de nacre pour les serrer sur sa nuque.
Avec les années qui passaient, lui en était venu à penser au peigne plus qu’à la chaîne de montre, cependant qu’elle oubliait la nacre en cherchant comment acheter la chaîne rutilante. Depuis longtemps ils n’en parlaient plus, mais leur esprit secrètement nourrissait le projet impossible. Au matin de leurs noces d’or, le mari eut la stupeur de voir son épouse avancer vers lui les cheveux coupés !
« Qu’as-tu fait mon amie ? »
Elle ouvrit alors ses mains dans lesquelles brillait la chaîne d’or : « je les ai vendus pour acheter la chaîne qui accompagnerait ta montre.
Ma pauvre amie, s’écria-t-il en ouvrant ses propres mains dans lesquelles resplendissait la nacre, j’ai vendu la montre pour t’acheter le peigne ! »
Et de tomber dans les bras l’un de l’autre, dépouillés de tout, riches de leur seul amour…

Gerard Bessière


L’amour est difficile

L’amour est difficile. L’amour d’un être humain pour un autre, c’est peut-être l’épreuve la plus difficile pour chacun de nous. C’est le plus haut témoignage de nous-mêmes, l’œuvre suprême dont toutes les autres ne sont que des préparations.
C’est pour cela que les êtres jeunes, neufs de toute chose ne savent pas encore aimer : ils doivent apprendre. De toutes les forces de leur être, concentrées dans leur cœur qui bat anxieux et solitaire, ils apprennent à aimer. Tout apprentissage est un temps de clôture. Ainsi, pour celui qui aime, l’amour n’est longtemps, et jusqu’au large de la vie, que solitude, solitude toujours plus intense et plus profonde.
L’amour, ce n’est pas, dès l’abord, se donner, s’unir à un autre (que serait l’union de deux êtres encore imprécis, inachevés, dépendants ?).
L’amour, c’est l’occasion unique de mûrir, de prendre forme, de devenir soi-même un monde pour l’amour de l’être aimé.
Dans l’amour, quand il se présente, ce n’est que l’obligation de travailler à eux-mêmes, que les êtres jeunes devraient voir.
Se perdre dans un autre, se donner à un autre, toutes les façons de s’unir ne sont pas encore pour eux. Il leur faut d’abord thésauriser longtemps, accumuler beaucoup : le don de soi-même est un achèvement. L’homme en est peut-être encore incapable.

Rainer Maria Rilke


L’amour est une route

L’amour n’est pas tout fait. Il se fait. Il n’est pas robe ou costume prêt à porter, mais pièce d’étoffe à tailler, à monter et à coudre. Il n’est pas appartement, livré clefs en main, mais maison à concevoir, bâtir, entretenir, et souvent réparer.
Il n’est pas sommet vaincu, mais départ de la vallée, escalades passionnantes, chutes dangereuses, dans le froid de la nuit ou la chaleur du soleil éclatant.
Il n’est pas un solide ancrage au port du bonheur, mais levée d’ancre et voyage en pleine mer, dans la brise ou la tempête.
Il n’est pas oui triomphant, énorme point final qu’on écrit en musique, au milieu des sourires et des bravos, mais il est multitude de « oui » qui pointillent la vie, parmi une multitude de « non » qu’on efface en marchant.
Ainsi être fidèle, vois-tu ce n’est pas : ne pas s’égarer, ne pas se battre, ne pas tomber, c’est toujours se relever et toujours marcher.
C’est vouloir poursuivre jusqu’au bout, le projet ensemble préparé et librement décidé. C’est faire confiance à l’autre au-delà des ombres de la nuit.
C’est se soutenir mutuellement au-delà des chutes et des blessures. C’est avoir foi en l’Amour tout-puissant, au-delà de l’amour.
 
Michel Quoist


Le bonheur au masculin et au féminin

L’homme et la femme ne donnent pas le même sens au mot bonheur, ils s’en font une idée différente, de sorte que beaucoup de conflits proviennent du fait que les routes du bonheur masculin et du bonheur féminin ne sont pas parallèles.
Le bonheur de la femme présente un caractère immédiat et concret, il ne peut être différé sans souffrance, tandis que le bonheur de l’homme présente un caractère plus lointain, en quelque sorte négatif et abstrait. L’homme éprouve la sensation de bonheur tant que les choses vont à son gré, marchent à son idée.
La femme est heureuse par l’amour manifesté, par la tendresse. Elle est faite pour se charger du bonheur positif du couple. L’homme recherche instinctivement une femme qui possède l’art d’être heureuse et qui, par son propre bonheur, soit capable de lui apporter la joie de vivre.
La femme est heureuse lorsque l’homme qui l’aime et la comprend se mêle à sa vie intime en faisant jouer le clavier émotionnel et sentimental qui témoigne de la sensibilité affective féminine.
La femme peut atteindre le bonheur qu’elle souhaite, à la condition de ne pas demander à l’homme l’impossible, de ne pas oublier que le bonheur masculin a toujours quelque chose de cérébral, et que c’est à l’ardeur contenue que l’on reconnaît, chez l’homme, le véritable amour.
 
J. Brun


Le mariage

Alors Almitra parla de nouveau et dit, et le mariage, Maître ? Et il répondit en disant :
Vous êtres nés ensemble et ensemble vous resterez pour toujours. Vous resterez ensemble quand les blanches ailes de la mort disperseront vos jours.
Oui, vous serez ensemble jusque dans la silencieuse mémoire de Dieu. Mais qu’il y ait des espaces dans votre communion, Et que les vents du ciel dansent entre vous.
Aimez-vous l’un l’autre, mais ne faites pas de l’amour une entrave : Qu’il soit plutôt une mer mouvante entre les rivages de vos âmes.
Emplissez chacun la coupe de l’autre mais ne buvez pas dans la même coupe. Partagez votre pain mais ne mangez pas de la même miche. Chantez et dansez ensemble et soyez joyeux, mais demeurez chacun seul, De même que les cordes d’un luth sont seules cependant qu’elles vibrent de la même harmonie.
Donnez vos cœurs, mais non pas à la garde l’un de l’autre. Car seule la main de la Vie peut contenir vos cœurs. Et tenez-vous ensemble, mais pas trop proches non plus : Car les piliers du temple s’érigent à distance, Et le chêne et le cyprès ne croissent pas dans l’ombre l’un de l’autre.
 
Khalil Gibran


Femme que j’ai choisie

Femme que j’ai choisie,
Femme que j’ai choisie entre toutes les femmes,
Pour la couleur naïve et fine de ton âme,
Femme venue vers moi, à la belle saison,
Avec ton cœur plus doux qu’un nid dans un buisson,
Femme qui portes mon univers dans tes yeux
Bleus comme ceux des fées au temps de mes aïeux,
Quand ton rire m’accueille au seuil de ma maison
Et que tes bras se lient autour de mes épaules
Avec le souple élan d’une branche de saule,
Quant tu me tends la bouche ainsi qu’une églantine
Offerte sans un mot par des mains enfantines,
Je ne sais plus ce que je suis : lumière, odeur,
Et j’ai besoin, pour ne pas pleurer de bonheur,
De te serrer jusqu’à ce que nos deux poitrines
Retrouvent peu à peu le rythme égal et lent
De vagues balancées par le même océan.

Maurice Carême


Mariage

Certains croient que le temps n’est plus au mariage. Qu’il suffit de vivre l’un avec l’autre sous le même toit pour que l’union soit réelle et qu’on peut ainsi, quand le temps de l’amour a cessé, se séparer, recommencer. La vie serait ainsi une suite d’expériences que jamais le mariage ne viendrait sanctionner. Certains pensent même que le mariage est inutile, alors que des enfants naissent, et que la mère ou le père peut très bien, seul, si leur union se défait, élever les enfants.
Le mariage ne serait qu’une vieille coutume à abolir et dont ne seraient plus victimes que les naïfs. J’ai dit que je voulais préserver la naïveté et je veux aussi défendre le mariage.
Il faut qu’à un moment donné ton engagement soit total, conclu pour l’éternité. Il faut que tu croies cela. Et c’est pourquoi j’aime que le mariage soit un sacrement, un symbole qui dans les religions, quelles qu’elles soient, a une importance capitale.
Car le mariage est un moment de la vie. Si tu multiplies ces unions sans signification sacrée, elles ne seront jamais que des rencontres sans avenir. Tu n’auras pas pris le risque, tu n’auras pas parié.
Le mariage est ce risque et ce pari qui t’obligent à aller jusqu’au bout de tes sentiments. Tu peux alors éprouver quelle est leur valeur.
Et l’autre le découvre aussi. Le mariage n’est donc pas un simple acte social. Il est cérémonie sacrée, moment où tu entres en harmonie avec un ordre du monde. Accomplis cet acte avec gravité. Entre dans le mariage comme si tu commençais une nouvelle vie. Et c’est une nouvelle naissance pour toi. Tu vas vivre à deux. Tu vas partager. Des enfants vont naître.

Martin Gray


Eloge du mariage, engagement et autres folies

Si le mariage n’était que l’union d’un homme et d’une femme, il ne pèserait pas lourd. Car il existe aussi un sinistre enfermement du couple, des variations multiples d’égoïsme ou d’autisme à deux. Ce qui rend le mariage si fort et si indestructible, c’est qu’il réunit un homme et une femme autour d’un projet. D’un projet fou. Souvent voué à l’infortune. D’un défi quasi impossible à réaliser et impérieux à oser.
Le drame serait de ne pas tenter l’impossible, de rester, une vie entière, à la mesure de ce que l’on peut. (…)
La vraie aventure de vie n’est pas de fuir l’engagement mais de l’oser. Libre n’est pas celui qui refuse de s’engager.
Libre est sans doute celui qui ayant regardé en face la nature de l’amour – ses abîmes, ses passages à vide et ses jubilations, se met en marche, décidé à en vivre coûte que coûte l’odyssée, à n’en refuser ni les naufrages ni le sacre, prêt à perdre plus qu’il ne croyait posséder et prêt à gagner pour finir ce qui n’est coté à aucune bourse : la promesse tenue, l’engagement honoré dans la traversée sans feintes d’une vie d’homme.

Christiane Singer (Eloge du mariage, de l’engagement et autres folies, Ed. Albin Michel, 2007)


Le mariage et la foi

Le mariage n’est pas de l’ordre de l’amour, le mariage est de l’ordre de la foi.
Vous devinez qu’une telle formule n’est pas innocente, ni intemporelle. Elle se situe dans nos sociétés fortement marquées par le bonheur et par le désir de réussir. On se marie, parce qu’on s’aime ! Ce serait la clé de la vie conjugale. Mais vous savez comme moi ce qu’il en est : beaucoup s’aiment sans se marier, et le taux de divorces ne cesse d’augmenter.
Cela dit, pour ne pas donner le change, je voudrais affirmer bien haut, sans céder à l’idéalisme ou au romantisme, que bien évidemment il n’y a pas de mariage sans amour, sans affectivité, sans sentiment ou sans coeur. Le contraire serait désolant. Même les mariages « à l’ancienne » étaient ceux où l’amour et même de grandes amours venaient, comme on dit, après ou avec le mariage. C’est ce que certains ont appelé joliment « l’amour silencieux ».
Mais ce qui me semble important pour notre éducation au sacrement, c’est d’affirmer que le mariage ou le désir de se marier et de fonder un foyer est vraiment de l’ordre de la foi. Aimer quelqu’un jusqu’à l’épouser, c’est lui dire : je crois en toi ; avec cette réciprocité attendue comme toi tu crois en moi.
On comprend alors l’affinité secrète entre Dieu et l’amour conjugal. La révélation biblique n’a pas trouvé d’autre terme que celui d’Alliance conjugale pour dire l’Amour de Dieu pour son Peuple, pour l’humanité.
D’une certaine façon, cela expliquerait que, pendant des siècles, l’Eglise d’Occident n’ait pas fait dépendre le sacrement de mariage d’une quelconque célébration eucharistique. C’est cette foi affirmée l’un pour l’autre, l’un en l’autre, qui est le lieu même du sacrement. C’est pourquoi la vie conjugale est à vivre comme la foi, en demandant au Seigneur d’être là aux heures de doute comme aux heures de lumière, d’être le Roc pour le pire comme pour le meilleur.

Henri Denis