Fête-Dieu


Matthieu 14-12,26

Le commentaire pour Panorama
de Marie-Noëlle Thabut, bibliste

Le premier jour de la fête des pains sans levain

Ce jour-là, Jérusalem était dans l’effervescence : car on préparait la Pâque. D’innombrables agneaux étaient égorgés au Temple pour être ensuite partagés en famille. Dans les maisons, c’était le premier jour de la fête des pains sans levain, ce qu’on appelait les “azymes”.
Depuis des siècles, ces deux rites commémoraient la libération d’Egypte, au temps de Moïse : ce jour-là, Dieu était “ passé” parmi son peuple pour en faire un peuple libre ; puis, au Sinaï, il avait proposé son Alliance et les fils d’Israël s’étaient engagés dans cette Alliance, “ Tout ce que le Seigneur a dit, nous y obéirons” parce qu’ils faisaient confiance à la Parole du Dieu libérateur. Désormais, pour toutes les générations suivantes, célébrer la Pâque, c’était entrer à son tour dans cette Alliance, vivre d’une manière nouvelle, débarrassée des vieux ferments, libérée de toute chaîne.
Jésus a choisi d’inscrire ses derniers instants dans cette perspective-là, perspective d’Alliance, perspective de vie libérée : “Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, répandu pour la multitude.” Ce soir-là, il ne fait aucun doute pour personne qu’il parle de sa mort et de son sang qui va être répandu ; mais voilà qu’il donne à sa mort le sens d’un Sacrifice d’Alliance avec Dieu, dans la ligne de celui de Moïse au Sinaï. Le problème, c’est qu’il ne pouvait être question pour aucun juif, même pas pour les disciples, d’envisager le moins du monde la Passion du Christ comme un sacrifice : Jésus n’est pas prêtre, il n’est pas de la tribu de Lévi, et surtout son exécution s’est déroulée hors du Temple, hors même des murs de Jérusalem. Or seul un prêtre pouvait offrir des sacrifices à Dieu, et uniquement dans le Temple de Jérusalem. Enfin, et c’est beaucoup plus grave, il n’était pas possible en Israël d’envisager la mort d’un homme comme un sacrifice susceptible de plaire à Dieu : il y avait des siècles qu’on savait cela. Ceux qui ont exécuté Jésus n’ont jamais eu l’intention d’accomplir un sacrifice : ils se sont débarrassés purement et simplement d’un homme qui, à leurs yeux, était un mauvais Juif et qui troublait la vie et la religion du peuple d’Israël.

Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance

Et pourtant, Jésus peut bien être comparé à l’agneau pascal : non pas qu’il serait une victime égorgée pour plaire à Dieu, mais parce que le sang de l’agneau pascal signait l’Alliance entre le Dieu libérateur et son peuple. Le nouvel agneau pascal, parce qu’il dévoile enfin aux yeux des hommes le Vrai Visage de Dieu, libère les hommes de toutes leurs fausses images de Dieu. Désormais, ceux qui connaissent le Dieu de tendresse et de pitié, peuvent vivre, à leur tour, dans la tendresse et la pitié. Finalement, c’est cela, être des hommes libres. Parce que nos pires chaînes sont celles que nous dressons entre nous.

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